tous ces mots tournent
tournent tournent et blouclent
en loops samplées

écrasée atterrée
de ne pas

ne pas dire
penser
oser risquer

AIME-TOI !

en colère, triste, seule, effondrée, affleur de rien, de peau, nullipare, salope, cynique, enragée, esseulée, vide de tout, ratée, raturée, niée, ridée, lessivée, utilisée, usée, abandonnée, usagée, souillée, hystérectomisée
dévastée
violée
violentée
putain
putain

putain !

face à tes servitudes les injonctions chevillées au corps

à

te détester
te sacrifier
lisser ta peau de tout poil toute ride vergeture cicatrice
lisser ton caractère tes cheveux de toute vague toute rage tout haussement de ton de voix — pas de cri surtout pas de cri — ni colère ni pouvoir
apprends à tomber ma fille ne te relève pas
pas trop vite pas trop fort pas trop haut
ne fais pas peur pas peur à l’homme ne sois pas trop jolie trop sage trop pute trop libre surtout
ne t’aime pas pas trop pas trop fort pas trop haut
n’aime pas le plaisir n’en prends pas n’apprends pas ne te libère pas aime ton joug ne jouis pas
pas trop pas trop fort pas trop haut ne jouis pas
Salope !

le dos tourné à tes certitudes
face à ce corps
le tien — étranger —
dans le miroir

Regarde

les cheveux longs tu voudrais les raser les reflets blancs tu ne veux plus les cacher
les sourcils plus jamais épilés
le regard dur pupille noire de colère
les sillons des sourires des larmes des étonnements
la rage sur ton visage

Arrache ! ces vêtements te cachent
au monde
à toi

Regarde !
tes seins sexualisés ou maternisés selon qui
détaille la forme la couleur l’aréole la texture le volume l’arrondi tient dans ta main

Vois ! ta taille
ton ventre
il vrille crie souffre accueille expulse palpite aime appelle
tes hanches
ta cambrure
ton cul
les courbes se sont modifiées avec le temps les bourrelets les zébrures rosées ou nacrées
ta peau tachetée

Caresse !
de tes yeux
de ta main

Apprivoise
ce sexe
il saigne mouille désire et bande
du bout des doigts
écarte les lèvres et découvre
boule de chair sous replis de peau

Poursuis
le long de tes cuisses
tes genoux
— ils ont touché le sol maintes et maintes fois lorsque tu as trébuché sur les obstacles les émotions les sentiments la violence la colère l’alcool les trop-pleins tu les as écorchés encore et encore de petite fille à femme ils sont là toujours
tes mollets
tes chevilles
et enfin tes pieds
tes pieds à plat ancrés au sol te portent, toi toute entière, ta rage tes douleurs tes blessures

Regarde-toi
debout
nue
sans tes peintures de guerre

Aime-toi
sois douce avec toi et aime toi